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Généathème : Julien Jan, charpentier

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Le Généathème est un challenge généalogique initié par Sophie, du blog La gazette des ancêtres, nous proposant chaque mois un thème pour nous donner des idées de publication. En mai, elle nous invite à raconter nos ancêtres ayant exercé un métier d’art. Pour ma part, seuls deux métiers d'arts furent exercés par certains de mes ancêtres : tisserand et charpentier. Ayant déjà fait un article sur les tisserands, je vous emmène à la rencontre de Julien Jan, l'un des mes trois ancêtres charpentiers. Julien est mon sosa 54, ancêtre à la 6ème génération, du côté maternel.

 

Julien naît au bourg de Comblessac le 22 février 1816. En France, la bataille de Waterloo a mit fin à l'empire de Napoléon 1er l'année précédente et Louis XVIII est désormais sur le trône de France.
Le père de Julien, Joseph, 35 ans, est charpentier. Avec sa femme, Anne Samouël, ils ont alors 3 enfants vivants : Guillaume (11 ans), Anne-Marie (9 ans) et Anne (3 ans). Le couple a aussi perdu deux garçons, décédés en bas âge : Joseph, à deux mois et un autre Joseph à 3 ans.

Le 23 janvier 1829, Julien a seulement 13 ans lorsque sa mère décède brutalement. Son père se remarie l'année suivante. Il est probable que Julien ait déjà commencé son apprentissage, que ce soit avec son père ou chez un autre charpentier.

Lors du premier recensement en 1836, Julien a tout juste 20 ans et vit avec son père et sa belle-mère, toujours au bourg. Tous deux sont charpentiers. Cette année là, Comblessac comptabilise huit travailleurs du bois, pour un peu moins de 800 habitants : deux menuisiers, deux charrons, un sabotier et cinq charpentiers dont Julien, son père Joseph, et son frère aîné, Guillaume, maintenant âgé de 30 ans.

Le dimanche 05 octobre 1845, à 29 ans, Julien épouse Jeanne Urvoy, qui en a 19. Le père de Julien est présent ainsi que la maman de Jeanne, son père étant décédé lorsqu'elle n'avait que quinze ans. Sont aussi présents Pierre Jan, oncle de Julien, Jean-Marie Urvoy, cousin de Jeanne et Jérôme Grimault, l'instituteur communal. Julien et Jeanne-Marie s'installent dans le bourg. Ils auront 3 enfants : Julien en 1853 ; Anne-Marie, mon ancêtre, en 1856 et Jeanne-Marie en 1861.

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De tous les métiers du bois, le charpentier est le plus ancien et celui qui jouit de la plus haute considération. De lui dépend l'ossature des bâtiments et l'abri de ses semblables. Il est chargé de la construction, de la mise en place et de l'entretien des charpentes. On distingue quatre types d'ouvrages de charpentiers :

  • la charpente civile (ou de haute futaie), qui entre dans la construction des édifices (dont les cintres et les échafaudages)
  • la charpente hydraulique comprenant la construction des ponts, digues, écluses...
  • la charpente navale qui a pour objet principale la construction de bateaux
  • la charpente d'usine qui comprend la fabrique des moulins, presses...

Jusqu'au XVè siècle, on distingue les charpentiers de grande cognée (ou de haute futaie) qui travaillent le gros bois de charpente et les charpentiers de petite cognée chargés des ouvrages plus menus (menus huisserie) et qui deviendront les menuisiers.

Les principales essences de bois utilisées sont le chêne, privilégié pour sa solidité et parce qu'il ne pourrit pas ; le châtaignier dans lequel ni ver ni insectes ne se mettent ; l'orme, le frêne, l'hêtre, le peuplier, le cyprès et le sapin, léger et moins onéreux. Le bois est toujours abattu lorsque la sève ne monte plus, et selon les anciennes superstitions, à la lune décroissante.

Les outils du charpentiers sont en grande majorité communs aux autres métiers du bois. Il y a ceux :

  • de traçage : règle graduée, équerre, trusquin, compas, fils à plomb
  • de sciage : scies diverses,
  • de tranchage : rabots, ciseaux, bisaiguë, râpes
  • de perçage : chignoles, vilebrequins
  • de frappe : marteaux, maillets, masses
  • de finition : rabots, racloirs...

Mais certains sont plus représentatifs du métier de charpentier :

L'herminette se distingue de la hache par son fer, perpendiculaire à son manche, et à son cintre, de différentes formes. Il existe des herminettes à une main (manche court) et des herminettes à deux mains. La dernière a un long manche et est utilisée debout : La pièce de bois à travailler est posée au sol. L’artisan se place au-dessus, un pied de chaque côté, et balance son outil à petits coups d’avant en arrière. Il y a aussi des herminettes à un ou deux fers,  la courbure est plus ou moins prononcée.

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La plane (ou couteau à revers) est un outils tranchant à deux poignées que l'on utilise en tirant vers soir pour enlever de la matière. Le charpentier s'en sert généralement pour finir une arête. doloire.jpg


La doloire est un outil de finition dont la lame est déportée par rapport au manche et dont un seul côté est tranchant. Cela permet de travailler le côté d'une pièce sans se cogner les mains et de faire des feuilles de bois beaucoup plus fines. La finition est donc beaucoup plus propre.

 

Un chantier important !

A la St Jean 1838, arrive à Comblessac un nouveau vicaire, l'abbé Métayer, qui trouve l'église dans un triste état : le clocher est en état complet de vétusté, les poutres et la charpente sont entièrement vermoulues. Les murs de la chapelle au nord de l’église sont écroulés, et la charpente est tombée.

Pourtant, depuis 1829, le maire, Jean-Marie Grimault, tente d'y remédier en cherchant des ressources matérielles et financières. Malheureusement, les méandres de l'administration sont, déjà à l'époque, infinis et, las d'attendre les autorisations nécessaires, on se met à l'ouvrage, les habitants apportant leur concours. Le préfet lui-même l'atteste dans une note du 21 avril 1854 : « La commune de Comblessac a entrepris la construction de son église, sans plan ni devis, sans architecte, sans marché et par conséquent, sans approbation d’aucune sorte. Les ressources des habitants étant venus à être épuisés avant l’achèvement de l’entreprise, force à été de demander l’autorisation d’employer les réserves communales. » Il manquait effectivement 2000 frs. pour solder les factures et la commune avait demandé un secours que finalement le sous-préfet de Redon fit accorder après avoir dépêché un expert sur les lieux qui rendit compte de sa mission en ces termes : « Il n’y a rien a redire sur les travaux exécutés ». Le sous-préfet adressera à son supérieur la note suivante : «Le concours apporté par les habitants a économisé 20.309,84 frs. sur un budget de 38.116,27 frs. Si ce n’était illégal, il serait souhaitable que d’autres communes agissent de la sorte ! »

La bénédiction de l'église restaurée a lieu en 1852.  Il est plus que probable que Julien, Guillaume et leur père Joseph, aient participé à cette restauration ! Je regarderai désormais cette église, visitée des dizaines de fois, d'un autre œil !

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Déclin de la profession :

Les charpentiers sont souvent en première ligne lors des grandes grèves qui marquent le 19è siècle dans les grandes villes (Paris, Strasbourg, Lyon...) : en 1833, 1845, 1905. Ils réclament des journée de travail moins longues et des augmentations de salaires. (Salaire des charpentiers parisiens : 2fr.25 en 1789 pour 12h de travail ; 5fr. pour 10h en 1845 ; 6fr. en 1862 ; 7fr. en 1876)

Mais le 19è siècle est aussi celui de la révolution industrielle et le développement de la sidérurgie fait entrer le fer et la fonte dans la construction. Une pénurie de bois occasionnée par l'emploi massif de celui-ci dans les forges industrielles et plus tard comme moyen de chauffe dans l'industrie, conduira à la marginalisation de l'emploi du bois en construction mais aussi la marginalisation de la profession.

Même si les progrès technologiques sont souvent plus longs à s'ancrer dans les campagnes, les recensements nous permettent de suivre cette évolution à Comblessac :

  • En 1851, deux charpentiers présents en 1836 ne sont plus recensés à Comblessac, mais ont été remplacés. Le père de Julien, Joseph, a 70 ans, et est devenu laboureur, mais probablement parce qu'il n'a plus les capacités physiques nécessaires. Il y a donc quatre charpentiers : Julien qui est charpentier et laboureur , son frère Guillaume, Augustin Bordier et Joseph Daniaux.
  • A partir de 1853, Julien n'exercera plus que le métier de laboureur (cf. acte de naissance de son fils).
  • Selon le recensement suivant en 1856, Guillaume est devenu garde champêtre et Augustin Bordier, laboureur. Joseph Daniaux quant à lui, s'il est resté dans le métier du bois, est désormais scieur de long, un métier de forçat qui obligeait à de fréquents déplacements.
    Il n'y a plus aucun charpentier à Comblessac...


Épilogue : 

Julien décède le 30 mai 1872, à seulement 56 ans. Sa fille Anne-Marie, mon ancêtre, épousera François Bahon deux ans plus tard. Ils auront six enfants dont quatre ont un lien direct avec ma famille.
La femme de Julien, Jeanne-Marie, lui survivra 11 ans et décédera à son tour le 12 janvier 1883, à 57 ans. 

 

 

 

Sources : 
AD35
Livre Artisans français : étude historique. Les charpentiers / par François Husson
Site de la commune de Comblessac
Wikipédia

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